Bonjour, vous ne me connaissez pas, je suis juste une petite chatte de gouttière... J'ai oublié le nom que vous m'aviez donné, quand j'étais petite... Je ne ne souviens plus très bien de maman non plus... c'était il y a si longtemps... et je suis restée si peu de temps avec elle...
Je me souviens que les gens la trouvaient très belle, très gentille. Elle était écaille de tortue. Noire et rousse. Alors ses maîtres, très gentils par ailleurs, lui ont laissé faire une portée, pour avoir de jolis et gentils chatons comme elle...
Notre papa, un illustre inconnu, je ne sais pas qui il est, sûrement un matou du quartier, non castré !
Ils n'ont pas été déçus par notre naissance ! Cinq frères et soeurs, deux noirs, un rouquin, moi et ma soeur, écaille de tortue comme maman... Mais moi, au lieu d'être noire et rousse, j'étais bleue et crème. Magnifique, disaient de moi les gens qui venaient nous voir. Ils étaient en extase.
Nous étions en bonne santé, bien traités, alors forcément nos maîtres n'ont eu aucun mal à nous placer ! Je suis partie à l'âge de 8 semaines dans une gentille famille. J'avais droit aux câlins, et je dormais dans leur lit. Ils m'avaient mis un beau collier avec des perles argentées et une jolie clochette. Nous habitions en appartement. Parfois, la femme pestait après moi quand j'étais en chaleur, et que je miaulais toute la nuit, ou que je faisais pipi sur son canapé. Mais elle m'aimait bien je pense. Elle me prenait sur ses genoux, et j'adorai ses caresses, je ronronnais.
Et puis...
Et puis, il y a eu beaucoup de cartons dans l'appartement... Et puis, les pièces se sont vidées. On s'occupait moins de moi, mais ce n'était pas grave. Ils étaient très occupés, je comprenais.
Et puis, j'entendais parler d'une maison avec un jardin, qu'il y aurait des enfants bientôt...
Et puis... je n'ai pas compris...
Le dernier carton est parti. Le monsieur m'a pris dans ses bras, et on a descendu l'escalier. Cet escalier qui m'intriguait tant, et où je n'avais pas le droit d'aller...
On est sortis... Et moi j'étais toute apeurée parce que je ne connaissais pas dehors... Il y avait de grands bâtiments. C'était immense en bas, effrayant. Moi, je voyais ça du 4ème étage. En bas, ça faisait peur...
Il m'a posé par terre. Et j'ai trouvé bizarre la sensation de l'herbe sous mes coussinets, habitués à la moquette... Une voiture a démarré juste à côté de nous. J'ai couru sous un buisson pour me réfugier, j'avais trop peur. Je suis restée longtemps sous le buisson. J'ai attendu la nuit...
Quand je suis ressortie, le monsieur était parti... J'ai attendu... Des jours entiers, qu'il revienne me chercher... Il m'avait certainement oubliée... J'ai attendu, sous mon buisson.
Puis j'ai eu faim. Alors, je suis allée vers les gens que je croisais. Certains étaient gentils et m'ont donné des caresses, et à manger. Un peu. Mais d'autres m'ont chassée... m'ont frappée aussi... J'ai attendu, et j'ai fait connaissance avec les chats du coin... Des chats faméliques, qui m'attaquaient... J'ai fait connaissance aussi avec les chiens. Plusieurs fois, ils ont failli m'attraper et me tuer... Par chance, j'ai à chaque fois réussi à leur échapper... Je voyais partout des gens avec des chiens... J'ai attendu... longtemps...
J'ai perdu mon joli collier, avec sa clochette... J'ai eu des bébés, moi aussi, plusieurs fois, mais peu ont survécu... J'ai attendu...
Et je suis tombée malade. Les yeux. J'avais si mal qu'à force de me gratter, j'ai perdu un oeil... L'autre, je n'y voyais quasiment plus... Alors, je suis restée sous mon buisson. Des gens gentils me donnaient à manger, juste à côté du buisson. Mais vous savez, dans ce quartier, les gens comme les chats sont miséreux... Personne ne pouvait me soigner...
Et puis un jour, alors que je sentais la fin peut-être arriver bientôt, car j'avais perdu mes derniers chatons depuis peu d'une fausse couche, un monsieur est arrivé. Un jeune monsieur. Et bien que je n'étais plus très belle, borgne, le poil miteux, il m'a câliné, m'a nourrie quelques jours. Il a regardé mes yeux et a pleuré... J'ai appris qu'il était étudiant en médecine. Et qu'il ne pouvait pas me recueillir... Et que c'est ça qui le faisait pleurer...
Il faisait chaud ce jour-là. Une jeune femme est arrivée avec ce monsieur. Elle avait une caisse. Je me souviens, quand j'étais petite, les gens avaient une caisse comme celle-là... Alors je suis rentrée dedans... j'étais si fatiguée... Le voyage a été long. Il faisait très chaud dans la voiture... J'avais peur, j'avais soif. Je miaulais. La jeune femme me parlait, je me souviens... On est arrivé quelque part, où on m'a soignée durant plusieurs jours. Je n'étais pas heureuse au départ, en cage, mais la dame était gentille, et me nourrissait bien...
Elle a soigné mon oeil. A présent, j'y vois un tout petit peu, mais très mal. Elle m'a opéré aussi. J'avais un reste de placenta pourri dans l'utérus, suite à ma fausse couche... Cela m'aurait tuée...
Et ces années dehors, à me battre contre les chats et les chiens, m'ont laissé en souvenir le FIV, le sida du chat... Aujourd'hui encore, je déteste les chats et les chiens, j'en ai très peur.
Maintenant, je vais mieux... Je suis dans une association qui prend soin des chats comme moi, malades ou sauvages. Mais moi, je ne suis pas sauvage, j'aime beaucoup les câlins.
Nous sommes nombreux là-bas. Roméo. Balo (lui a très peur des gens, il n'a pas connu comme moi, petit, la chaleur d'un foyer). Je me repose. Et je n'attends plus le retour de ce monsieur. Il ne reviendra jamais...
Parfois, je pense à mes frères et soeurs... Que sont-ils devenus eux ? Attendent-ils aussi un monsieur ou une dame ? Un jeune étudiant en médecine pleurera-t-il sur leurs yeux malades ? Une jeune femme fera-t-elle 200 kilomètres en voiture pour eux ? Ma maman serait bien triste d'apprendre mon histoire... Et les gens qui l'adorent aussi... Ils disaient qu'ils la feraient opérer après une portée. Ils ne pensaient pas que les gens à qui ils m'avaient confiée feraient ça... Ils étaient si gentils... Le jeune étudiant en médecine m'a baptisé Cosette car j'habitais rue Victor Hugo. Cosette, j'aime bien...
J'ai pensé à mes bébés, à ceux qui ont survécu... Peut-être ont-ils été adoptés...
S'il vous plaît, vous qui les avez recueillis, faites-les stériliser... Ils n'auront pas de chatons, qui vivront ce qu'a vécu leur grand-mère... J'ai eu de la "chance", dans mon malheur, d'être trouvée par cet étudiant en médecine, et recueillie dans cette association, mais combien d'autres n'auront pas cette chance, eux ???
Ce texte a été écrit par Hélène, qui se désespère de voir le message prônant la stérilisation encore si mal compris, et si peu relayé. Cette petite histoire triste est celle d'une minette, trouvée cet été à Alençon. Lisez-là, racontez-là, à vos amis, à votre entourage, à vos enfants surtout, car c'est sur eux que nous comptons pour que demain, un demain toujours trop éloigné, cessent de naître les fameuses portées de "chatons à donner contre bons soins..." Régine
1. 17/01/2014
merci pour ta magnifique histoire qui m'a fait monter les larmes aux yeux; j'adore tous les animaux, qui nous le rendent si bien. J'ai 2 chats dont un jeune qui me fait quelques dégats mais ce n'est rien en comparaison du bienfait qu'il m'apporte; je ne comprends pas les gens qui maltraitent les animaux; gros bisous à toi et à tous les chats
2. 09/06/2012
Un merveilleux texte qui raconte la dure réalité!!
3. 05/06/2011
c'est très émouvant de contater l'abandon de ces coeurs à quatre pattes ! hèlas trop souvent dans l'indifférence !!je lance ma bouée à la mer, et j'éspère etre entendue :je viens de recueillir un chaton de 2 mois environ, son histoire est courante, mais pas par ceux qui les aiment ! j'aimerai trouver l'aide d'un vétèrinaire pour faire castrer mon bébé chat , ( il est magnifique et si affectueux ! seulement, je n'ai qu'une toute petite retraite, l'intervention est lourde pour mon budget! la maman du chaton fut nourrie , aider à mettre bas ces petits, il y en avait 5 , tous ont étè adopter ! la génèrosité de cette dame , mérite que l'on puisse l'aider à stériliser, cette petite maman qui n'en peut plus de faire des petits ! merci de me lire, notre coeur est grand, mais, hélas , pas notre porte monnaie , seuls handicap por rendre heureux ces deux petites boules de poils !le chaton : Abyssin, et la mère Chartreux ! je compte sur votre génèrosité , encore merci ! lydie .
4. 06/11/2010
Qelle histoire émouvante.... Bravo à Hélène ! Je ne peux retenir mes larmes en écrivant ici.
Pauvre petite Cosette.... Tu ne demandais rien d'autre que de donner de l'amour encore et encore....
C'est vrai, trop de personnes négligent la stérilisation, avec pour prétexte que c'est contre nature.
Nous avons une petite Lily à la maison. Elle a six mois et est maintenant stérilisée.
Dans la résidence où j'habite, je nourris des mimis qui sont tous castrés ou stérilisés avec l'aide d'une association.
Ils vivent leur petite vie tranquille de chat d'extérieur, et surtout, il n'y a plus de crainte de voir des petits chatons errants, comme cette petite Cosette de l'histoire à qui je souhaite une vie très douce dans cette association.
Merci à Hélène pour ce texte magnifique.
Catherine
5. 06/11/2010
Eh bien...
Moi, qui ce soir me posais beaucoup de questions à propos de tout le travail que j'ai effectué avec les chats de mon quartier... de ceux que j'ai gardés, tellement j'avais peur qu'il ne leur arrive cette histoire... Je tombe sur ce texte, par le plus grand des hasards, sur ton site !!!
Là, si ce n'est pas un signe qui me dit que j'ai fait le bon choix, que j'ai pris les bonnes décisions !!!
J'ai gardé 10 chats, ils sont tous stérilisés, à présent... Aussi bien les mâles que les femelles... Tous vaccinés, testés négatifs FIV, Felv et même PIF... Il ne m'en reste plus que 2 à identifier électroniquement.
J'ai aussi encore 2 mâles, dehors à trapper pour stériliser, afin qu'ils n'attirent aucune femelle... et ma mission est terminée !
Je suis heureuse d'avoir lu ce texte, où je peux constater tellement de ressemblances avec mes mimis... où j'ai pu lire toutes les peurs de confiner mes mimis à des personnes inconnues... Chats à donner contre bons soins... c'était réellement ma hantise. Ne pas avoir de nouvelles, me séparer d'eux, les confier pour qu'ils finissent dehors, j'avais trop peur ! Et puis au bout de tant de mois, impossible de me séparer d'eux, alors ils restent tous à la maison, et ils m'épatent chaque jour, car ils commencent à s'entendre, tous ensemble !
Voilà un texte magnifique, que je suis heureuse d'avoir lu. Je le ferai connaître, car cette cause est belle...
Bravo à Hélène, auteur de ce texte !!!
6. 06/11/2010
Bravo pour cette belle histoire,
c'est avec les larmes qui coullent que j'ai fini de l'a lire,
Merci
ISABEL
7. 20/10/2009
Bravo pour cette histoire très touchante d'autant qu'il est vrai qu'à ce jour des gens pensent encore que stériliser un chat dont les futurs bébés risquent d'être condamner est contre nature.Penser à être plus humain et à leur bien-être devrait être évident et la stérilisation un acte d'amour face à la souffrance pour les futurs chatons et à la maman qui finira par en mourir à force d'avoir trop de portées.L'amour de son chat commence par la réflexion et la connaissance du félin.Fin heureuse pour cosette et beaucoup moins pour beaucoup.